Buitoni : il faut qu’on parle

Buitoni : il faut qu’on parle

Très récemment, notre association I-buycott a été contactée par message privé sur ses réseaux sociaux et par courriel par un ex-salarié de l’entreprise Buitoni, appartenant au groupe Nestlé, et travaillant sur le site de Caudry situé dans la région des Hauts-de-France.

Déjà mis sous le feu des projecteurs pour différents scandales : réétiquetage de boîtes de lait en poudre périmées (2002), présence de porc dans des produits halal (2012), fraude à la viande de cheval (2013), contamination aux matières fécales (2015), taux de plomb élevé dans des nouilles (2015), accusations de travail forcé, infantile et conditions de travail exécrables, déforestation, pillage de nappes phréatiques, pollution plastique, et bien d’autres…

Aujourd’hui, c’est une tout autre affaire qui se rajoute au palmarès des scandales qui incombent à Nestlé.

 

Alerté par les conditions déplorables de fabrication des pizzas surgelées vendues par l’enseigne, cet ex-salarié nous a partagé des photos témoignant de l’insalubrité du mode de production, mais également du gaspillage alimentaire de grande ampleur dont fait preuve le géant de l’agro-alimentaire.

Sur le point de vous partager ces clichés, nous avons pris connaissance de la dernière campagne de communication de Buitoni intitulée « Il faut qu’on parle »:

 

Visuel de la dernière campagne de communication de Buitoni sur les réseaux sociaux

Alors oui Buitoni 👉 il faut réellement qu’on parle.

« Une gamme pleine de surprise » : nous n’aurions jamais autant pensé prendre ces mots aux pieds de la lettre.

Et pourtant, du gaspillage alimentaire de grande envergure, au non-respect des mesures d’hygiène (avec la présence d’objets très peu hygiéniques dans les pizzas emballées), jusqu’aux conditions de travail douteuses, vous saurez tout de Buitoni et de ses pizzas « gourmandes à l’italienne ». Enquête.

 

 

 

 

1 : DES DENRÉES ALIMENTAIRES COMME S’IL EN PLEUVAIT

Pizzas entières garnies et jetées à la benne à ordures

Pizzas en cours de garnissage, jetées à la poubelle pour cause d’imperfection

Pizzas garnies, propres à la consommation, jetées à la poubelle

 

Aujourd’hui, en France, 10 millions de tonnes de nourriture sont encore jetées tous les ans, d’après l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME).

 

De ces 10 millions de tonnes de nourriture jetée, 32% proviendraient de la phase de production et donc de l’industrie agro-alimentaire. Un triste constat auquel participe activement Buitoni. Et les photos parlent d’elles-mêmes. Des tonnes de pizzas garnies sont tous les jours jetées à la poubelle pour cause de non-conformité. Allant de la taille du chorizo à l’absence d’une étiquette de traçabilité, les raisons peuvent être multiples. Cependant, aucune de ces raisons ne justifient un tel gaspillage alimentaire, car d’après l’ex-salarié, les produits finis restent totalement propres à la consommation.

Malheureusement, les pizzas déjà garnies ne représentent que la partie visible de l’iceberg. Les matières premières servant à fabriquer les pizzas font également partie de cet immense gaspillage alimentaire. Farine et pâtes sont jetées en grande quantité, dans des cuves débordant de déchets issus des chaînes de production.

 

Boules de pâtes jetées à la poubelle

Excédent de pâte jeté à la poubelle

Cuves débordantes de pâte, dû au processus de changement d’équipe laborieux

Matière première surgelée formant des boulettes à cause de l’eau

 

Comment cela est-il possible ?

Concernant la pâte gaspillée, tout à fait utilisable, un manque de temps, des problèmes de calculs et de conditionnement, des pannes sur la ligne, mais aussi un manque de rigueur expliquent ces pertes considérables de denrées alimentaires. La fin du service pose souvent problème pour les équipes en charge de se relayer. La pâte étant produite en très grande quantité, et soumise à une haute température, les cuves se remplissent durant le roulement, rendu moins efficace dû au manque d’effectif. Les pertes sont ainsi inévitables.

De plus, lorsqu’une panne a lieu sur la ligne, cette dernière n’est pas arrêtée, par souci de rentabilité. Le processus de production continue donc et les employés sont ainsi invités à jeter la pâte en attendant que la panne soit réglée, cela dans le but d’éviter le bourrage.

Le problème ayant déjà été exposé, d’après cet ex-salarié de l’entreprise, aucune solution n’a pourtant été envisagée pour le régler, et ce malgré les tests et bilans effectués sur lesdites machines. Cette problématique se serait amplifiée depuis l’industrialisation et le recours à de nouvelles techniques de production permettant un meilleur rendement.

À combien sont estimées les pertes en matières premières et produits finis ? Difficile à chiffrer tellement les quantités sont astronomiques, selon ce même ex-salarié. Au cours d’une journée de 8h, ce n’est pas moins d’une demi-tonne de denrées qui peuvent être jetées. Pour une journée de 3x8h, nous vous laissons imaginer l’ampleur du gâchis…

 

 

 

2 : UNE CERTIFICATION AUX PETITS OIGNONS

Machines et câbles encrassés par la matière première

Matière première projetée au sol et débordant d’un bac à poubelle

 

De ce gaspillage alimentaire des plus absurdes, en découle un manque d’hygiène inéluctable. Course à la production ne rime pas avec précision et minutie.

 

En effet, la garniture de pizza projetée au sol, les machines et les câbles encrassés par la matière première, causant une perte alimentaire considérable, témoignent d’un nettoyage effectué à la va-vite. À l’origine de ce manque d’hygiène, des techniques de nettoyage ne correspondant pas aux processus de fabrication et un manque de rigueur dans le nettoyage des lignes effectué par les employés à la fin du service.

Encore une fois, les principaux concernés sont au courant du problème, mais aucune solution n’a été envisagée.

 

Tableau de témoignages clients

 

« Buitoni, croquons la vie ». Oui, mais un peu moins dans vos pizzas !

Sur les images précédentes, des aperçus d’un tableau, affichés dans les locaux du site, témoignent de la présence régulière de corps étrangers dans les produits achetés en grande surface par les consommateurs. Des détecteurs à rayons X sont pourtant présents pour vérifier la présence de corps étrangers et veiller à les éjecter.

Mais l’irresponsabilité de certains employés, ainsi que des problèmes techniques ont raison de la qualité et de la sécurité alimentaire des consommateurs, laissant ainsi passer ces corps étrangers dans les produits finis. Cheveux, plastique, ficelle, vis, porcelaine et même insectes, il y en a pour tous les goûts.

Et il faut croire que les insectes sont présents à tous les stades de la préparation des pizzas, de la dégustation à la préparation. Pour preuve, des vers de farine rampent sur les tapis de production. Ces derniers ayant été localisés, rien n’a été fait pour en arrêter la propagation.

 

Ver de farine rampant sur la ligne de production

 

Après la diffusion de ces images dans la presse, notamment par le biais du média alternatif Mr Mondialisation, qui a lui-même été contacté par l’ex-salarié qui nous a aussi contactés, Nestlé s’est expliquée dans une réponse donnée dans le média La Voix du Nord.

L’entreprise a ainsi déclaré qu’à la fin de chaque cycle de production, les lignes étaient entièrement stoppées et nettoyées suivant un procédé rigoureux avec plusieurs phases dont une de nettoyage, de désinfection et de rinçage à l’eau dont l’efficience est contrôlée par des prélèvements microbiologiques journaliers et aléatoires dans les différentes zones stratégiques du site. L’entreprise a également déclaré que les procédés de production sont fréquemment contrôlés par des organismes externes. Le site de Caudry faisant, selon ses dires, l’objet des certifications ISO les plus intransigeantes possibles, la dernière (ISO 22000 version 5) dont le renouvellement a été effectué en mars 2021.

Pourtant, les méthodes de nettoyage énoncées ne respectent en rien la bonne hygiène des machines, selon notre lanceur d’alerte.

 

En effet, le secteur de la boulangerie, auquel s’apparente le mode de production de la pâte à pizza, est habitué à un nettoyage à sec, plus efficace selon l’ex-salarié. Ici, comme il est déclaré par Nestlé, c’est tout l’inverse. Le nettoyage se fait à l’eau, à haute température, avec du désinfectant et du détergent, dans de parfaites conditions d’humidité, puisque l’eau met plus de temps à sécher.

Résultat, le temps de pause du produit et les gestes de nettoyage ne sont pas respectés par les employés et la crasse s’accumule sur les machines, comme en témoigne la photo suivante.

 

Machine engraissée sur la ligne de production

 

Enfin, Nestlé a poursuivi en clamant que les services de la Direction Départementale de la Protection des Populations (DDPP) chargés de contrôler l’hygiène, la sécurité alimentaire et la réglementation, ont effectué deux contrôles imprévus du site de Caudry au cours de la dernière année : le 30 septembre 2020 ainsi que le 16 mars 2021. Toujours selon Nestlé, aucun écart important avec la réglementation en cours n’aurait été décelé, à la suite de ces visites. Nous en doutons.

D’après l’ex-salarié, des contrôles d’hygiène en interne ont été effectués, certes. Mais aucun contrôle externe n’aurait été réalisé depuis l’été 2019. De notre côté, nous avons tenté de contacter la Direction Départementale de la Protection des Populations, mais en vain. Nos appels sont restés sans réponse. Impossible de vérifier la véracité de ces informations.

 

 

 

3 : LE PLASTIQUE, PAS SI FANTASTIQUE

 

À ce problème de gaspillage alimentaire et de manque d’hygiène s’ajoute une problématique environnementale, au cœur de l’actualité.

Le plastique est omniprésent dans le processus de fabrication : avec les matières premières importées (fromage, tomates et jambon suremballés), mais aussi lors du conditionnement avec des pizzas, dotées d’un emballage plastique. Les poubelles sont elles aussi dotées de sacs en plastique. Pourtant, des tentatives de remplacement du plastique par des sacs biodégradables ont été effectuées, mais en vain. Le tri sélectif n’étant d’ailleurs pas au programme du recyclage des déchets dans l’entreprise.

Comment expliquer cela ? Le nettoyeur, en charge du nettoyage, de l’entretien des sols et des poubelles pendant la production sur ligne, n’effectuant pas le travail, les salariés doivent eux-mêmes trier leurs déchets, ce qui peut donner lieu à des débordements.

 

Plastique et emballages en carton gisant sur le sol

 

 

4 : BUITONI : C’EST FINI !

 

À ces déclarations, toutes plus scandaleuses les unes que les autres, s’ajoutent des confidences sur des conditions de travail déplorables au sein du site : des machines non adaptées à la condition physique des employés et impactant la santé de ces derniers, une course à la production et au rendement générant une pression lourde à supporter pour les employés de l’entreprise. Une pression qu’il serait d’ailleurs plus cohérent d’appliquer à la sécurité du consommateur et à l’hygiène.

Mais ce n’est pas tout, d’après l’ex-salarié que nous avons interviewé, la pression ressentie par les employés n’est pas la même pour tous. Ainsi, il pourrait y avoir un traitement avantageux en faveur des employés issus de la cellule familiale de l’entreprise.

À titre d’exemple, l’ex-salarié nous informe que les mesures d’hygiène devant être respectées, le seraient beaucoup moins par ces mêmes employés. Pour tous les autres salariés du site, ces mesures doivent s’appliquer et dans le cas contraire, les sanctions seront beaucoup plus importantes pour ces derniers.

C’est également le cas pour la consommation des produits finis sur le site. Les employés en CDI consomment régulièrement des pizzas sur site, et sont plus ou moins autorisés à le faire par la hiérarchie, qui est au courant de la pratique, mais fermant les yeux dessus et la tolérant. En revanche, la pratique est un peu moins tolérée pour les employés les plus précaires (les intérimaires). Par exemple, un intérimaire a lui bel et bien été sanctionné à la fois par l’entreprise, et à la fois par son agence d’intérim, après avoir consommé une pizza sur site. Il y a donc deux poids deux mesures.

Cette situation a longtemps dérangé notre informateur. Dans cette entreprise où le turn-over est important, ni le produit, ni l’environnement, ni l’humain ne semblent être respectés.

 

Hélas, malgré tous les faits énoncés qui incombent à Nestlé, le géant de l’agro-alimentaire est malheureusement loin d’être le premier et le dernier concerné par ce genre de scandale. En effet, la liste est longue en termes de scandales auxquels la France, et plus largement notre société de consommation, doit faire face ces dernières années.

Du lait infantile Lactalis contaminé aux Salmonelles en passant par les lasagnes pur bœuf à la viande de cheval, le schéma semble toujours se répéter. Il y a encore et toujours cette sensation de déjà-vu, avec la ferme impression que notre société n’apprendra finalement jamais de ses erreurs…

Le consommateur, lassé de ces scandales à répétition et du manque de transparence des industriels, a développé une grande méfiance et une vigilance certaine vis-à-vis des industriels, il est devenu progressivement consom’acteur, un consommateur n’acceptant plus passivement les biens et les services qu’on lui propose et n’hésitant plus à remettre en question la main-mise des marques et des institutions. Nous voyons donc apparaître un nouveau mode de consommation avec les consom’acteurs, plus engagés et sensibles aux problématiques responsables, éthiques, équitables des produits.

Aujourd’hui, il est de notre pouvoir et notre droit de citoyens·ennes de demander à Nestlé de répondre de ses actes.

 

Profondément outrés par ce scandale de plus, et qui plus est, concernant Nestlé, contre laquelle deux campagnes de boycott sont en cours sur la plateforme I-boycott.org (Nestlé et Nestlé Waters) et laissées sans réponse, nous vous demandons, à vous, chère communauté, si vous souhaitez, oui ou non, voir naître une campagne de boycott contre Buitoni et ses pratiques plus que douteuses au sein du site de Caudry ?

N’hésitez pas à partager votre avis sur nos différents réseaux sociaux.

 

Vous aussi ayez un impact sur le monde. Alors, construisons ensemble un pouvoir citoyen !

 

Article écrit par Yvanna P.

 

Sources :

Article de Mr Mondialisation : https://mrmondialisation.org/enquete-accablante-dans-une-usine-de-pizzas-buitoni/

Article La Voix du Nord : https://www.lavoixdunord.fr/1004550/article/2021-05-14/l-usine-buitoni-de-caudry-accusee-de-gaspillage-grande-echelle-le-groupe-nestle